Éditions GOPE, 14.5 x 20.5 cm, 582 pages, illustrations noir et blanc, ISBN 979-10-91328-16-6, 29.40 €

lundi 28 août 2017

Les merveilles du polar hongkongais

Article original


Avec son livre Police vs Syndicats du crime, Arnaud Lanuque nous plonge dans l’univers des polars et des films de triade dans le cinéma de Hong Kong : gangsters tatoués, code de l’honneur, flic infiltré, tueuses professionnelles…
Il est un véritable passionné du genre – comme vous pouvez le lire régulièrement dans notre journal – et, pour notre plus grand plaisir, Arnaud Lanuque change cette fois-ci de costume et se livre au jeu de l’interview.  

Arnaud, qu’est-ce qui t’a marqué dans le cinéma hongkongais, au point de vouloir en écrire un livre ?
Ce qui m’a passionné dans le cinéma de Hong Kong, c’est cette énergie inégalable ; c’est un cinéma très rythmé et agressif. Il y a aussi la liberté de ton, avec des ruptures complètes entre une scène tragique et la suivante qui peut être comique voire absurde.
Puis j’ai découvert Hong Kong proprement dit il y a quelques années, j’ai aimé la culture, le mélange Occident-Orient. J’ai voulu me battre contre le cliché « Hong Kong désert culturel ». Ce n’est pas vrai. Il y a une pop culture foisonnante, très riche et très intéressante. 

Tu as décidé de te concentrer sur le cinéma policier hongkongais, y a-t-il un moyen de le qualifier ? 
Commercial et distrayant ! Le cinéma de Hong Kong, pendant très longtemps, ne bénéficiait d’aucune subvention publique. C’est quasiment tout l’inverse du système français dans lequel il y a des aides publiques, la télévision qui est obligée d’investir… A Hong Kong, les cinéastes devaient se débrouiller seuls et il fallait que les gens aillent voir les films, qu’ils paient pour leurs tickets. 
Pour attirer le public dans les salles, il faut le divertir. Il y a cette surenchère d’action, souvent martiale, mais aussi mécanisée. Le but, c’était d’avoir des idées plus originales les unes que les autres. Un peu à l’image de ce qu’est Hong Kong : une compétition pour la survie, il faut toujours réussir à faire de l’argent et s’en sortir mieux que les autres. Dans le cinéma, c’était la même chose. 

Pour faire entrevoir la diversité du genre, peux-tu nous citer quelques « courants » du polar hongkongais que tu couvres ?
Il y a les biographies de gangsters, l’Heroic Bloodshed, la romance criminelle, les triades fashion (Goo Waak Zai). On peut citer aussi le polar martial, qui est un film de kung-fu, mais dans une version plus « flics contre gangsters ». Les versions féminines avec Girls with Guns. Enfin des films où on montre le policier dans ce qu’il a de plus vertueux pour le polar SDU (Special Duties Unit), sorte de GIGN hongkongais… et d’autres !

Arnaud Lanuque et son bébé !

Tu présentes tous ces courants, les films qui les illustrent le mieux, leurs apports… combien de temps t’a-t-il fallu pour bâtir cette mini-encyclopédie ?
Pour la rédaction, environ 3 ans. Mais il y a toute une série d’interviews qui a été faite sur une période d’environ 13 ans. Je dois dire que ces interviews concernaient tous les genres du cinéma à Hong Kong. A l’origine, je voulais faire une bible du cinéma hongkongais, qui parlerait de toutes les grandes familles de films, le polar, la comédie, les films fantastiques. J’avais commencé dans cette direction, sauf que je me suis vite rendu compte que ça donnerait un livre de 1000 pages et que ça me prendrait 10 ans à le faire. J’ai donc décidé de m’orienter vers un seul chapitre qui était mal couvert : le polar.

Parmi les interviews que tu reprends dans ton livre, tu as pu interroger d’anciens policiers, des cascadeurs ?…
Oui, quand les gens voient que vous aimez ce qu’ils ont fait, que vous aimez Hong Kong, ils n’ont pas de réserve ! L’interview de Philippe Chan, scénariste mais surtout ancien policier gradé, est très intéressante. Il était en charge dans les années 70 des agents undercover, les vrais ! Il parle d’un certain nombre d’anecdotes, il connait bien le milieu. 
Pour les cascadeurs, on trouve celle de Hung Yan Yan, qui a été chorégraphe sur plusieurs films, et également doublure de plein d’acteurs. Les cascadeurs hongkongais, pendant longtemps, étaient tout simplement les meilleurs dans toutes les industries cinématographiques confondues. Contrairement aux productions américaines, à Hong Kong, c’est le chorégraphe qui décide de tout, et souvent cela donne des résultats bien meilleurs. 

A travers ces films, est-ce qu’on en apprend beaucoup sur Hong Kong ?
Oui, très clairement ! Il y a deux aspects. D’un côté, ce sont des films distrayants car les personnages sont intéressants et il y a un savoir-faire en matière d’action. 
De l’autre, ces films montrent la ville et sont souvent placés dans un contexte populaire, avec des quartiers délabrés, rarement le Peak ou Aberdeen ! Beaucoup de réalisateurs hongkongais ont voulu immortaliser certains endroits de la ville, beaucoup de scènes de Ringo Lam se passent dans des lieux connus, à Nathan Road, à Tsim Sha Tsui, à Causeway Bay… ou des commissariats (Yau Ma Tei par exemple). 
Enfin, mais c’est plus indirect, l’influence de grands événements, comme la répression des soulèvements communistes de 1967 ou la création de l’ICAC (commission indépendante contre la corruption) en 1974, ont fait évoluer certains aspects : la naissance de l’identité hongkongaise, un regard plus positif des forces de police…
Par exemple, j’explique que l’agent undercover symbolise le trouble identitaire du Hongkongais. Quand on connait Hong Kong et ses difficultés à se positionner entre la Chine et l’Occident, c’est intéressant de voir comment le personnage se cherche, ne sait pas de quel côté il doit aller.  

Peux-tu nous citer quelques films à voir absolument ? 
J’ai dû en voir 400, peut-être 500 ! Le plus connu, c’est Le Syndicat du crime de John Woo, c’est un film ultra-fondateur à tous les niveaux. Man on the Brink d’Alex Cheung est le meilleur film sur l’agent undercover, une vraie spécificité du cinéma hongkongais. Il y a aussi Coolie Killer, de Terry Tong, ça fait partie d’un côté très sombre du polar avec des situations mélodramatiques. A Moment of Romance, de Benny Chan, est l’un des films fondateurs de la romance criminelle, où le personnage principal est un gangster au grand cœur. Protégé de Derek Yee, est un film sur le trafic de drogue à Hong Kong et sur les conséquences individuelles qui en découlent.
Avec également un personnage undercover, il y a tous les traits classiques du cinéma de Hong Kong dans ce film. Infernal affairs d’Andrew Lau et Alan Mak, avec encore une fois un agent undercover. Il a eu un retentissement international, remaké par Scorsese… Et pour finir, Shanghai 1920 de Po-chih Leong, c’est une grosse production, c’est d’ailleurs un vrai gangster qui l’a produit ! 

Aujourd’hui, y a-t-il un avenir pour le cinéma policier hongkongais ? 
C’est vraiment difficile. Il n’y a plus vraiment les budgets pour faire des films d’action. Aujourd’hui on voit surtout de grosses productions type Cold War, très glamour, avec un gros casting. Ce sera moins libre dans les thèmes et plus consensuel. A l’inverse, il y a toujours pas mal de films de triades mais avec de petits budgets, donc avec des jeunes scénaristes qui essayent de trouver des angles un peu originaux. Mais c’est difficile, c’est un sujet qui a été battu et rebattu. A l’heure actuelle, il n’y a plus grand-chose, hélas. 
[…]

Antoine Vergnaud - Marc Schildt
13 juillet 2017

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Police vs Syndicats du crime , retour sur la création du livre par Arnaud Lanuque :